Être étudiant en période de covid, c'est quoi ?
Dernière mise à jour : 7 avr. 2021
La fermeture des universités et l’obligation de désormais suivre les cours à distance affecte grandement les étudiants que ce soit au niveau de la santé mentale, qu’au niveau du cursus scolaire D’après un sondage réalisé par l’Odoxa, 70% des étudiants ont rencontré des difficultés pour suivre les cours à distance et 72% craignent que leur diplôme n’ait pas autant de valeur à cause de la crise.
Les gens ont souvent tendance à oublier que la situation est également dure à vivre pour les jeunes aux études. Passer des heures seuls devant un écran, voir ses projets tomber à l’eau, devoir se battre contre l’anxiété, la perte de motivation et le stress, chaque jour, n’est pas vraiment la vision qu’avait Anaïs, Mathilde et Marie de leurs années d’études.
Nous avons interviewé ces trois jeunes étudiantes, provenant d’écoles et d’années différentes afin de mettre en avant leurs points de vue quant à la vie d’étudiant en période de covid Elles nous expliquent comment la crise a affecté leur parcours scolaire et comment elles vivent, personnellement, la situation. Entre les difficultés à s’adapter, à suivre les cours, à s’intégrer, elles nous parlent à coeur ouvert pour nous permettre de mieux comprendre la situation dans laquelle les étudiants se trouvent actuellement.

Anaïs (20 ans, étudiante en troisième année de License LLCE Anglais à la faculté de lettre de Nice): "Cette année, j'étais supposée faire mon année Erasmus à Galway en Irlande. Je suis partie fin septembre à Galway et je suis revenue fin octobre alors que mon année Erasmus devait durer 10 mois. J'ai dû rentrer à cause de la situation sanitaire en Irlande, car ils sont repassés en confinement total, donc j'avais soit la solution de rester sur place, enfermée dans un petit appartement étudiant qui me revenait assez cher ou tout simplement rentrer à la maison. J'ai préféré rentrer en me disant que je pourrais probablement retourner en Irlande au mois de février, à la rentrée, sauf que finalement, l'Irlande est toujours confinée, du coup, mon année Erasmus a pris fin. Je continue de suivre les cours d'Irlande, mais en France, à distance. Ce n'était pas évident, déjà pour contacter les profs parce que j'avais pas mal de questions sur plusieurs sujets et ils ne répondent pas toujours aux mails, il y a aussi des profs que je n'ai jamais rencontrés. J'étais un petit peu largué surtout que la façon de travailler en Irlande est complètement différente de la façon de travailler en France donc c'était très difficile de s'adapter au rythme et aux modalités d'examen. J'ai vraiment eu l'impression d'être seule pendant ce semestre, d'avoir aucun suivi des professeurs, de la fac, même de mes professeurs de la fac de Nice que je contactais de temps en temps pour demander des conseils. Je n'ai pas forcément eu de soutien donc ça a été compliqué de gérer à la fois mon année scolaire et mon année Erasmus en plein milieu de la pandémie actuelle. "

Mathilde (23 ans, étudiante en deuxième année aux Rivageois en institutrice pré-scolaire) : "Ce qui a affecté mon parcours scolaire, c'est déjà le premier stage que je n'ai pas eu en première année. Ici, en deuxième, on a eu deux semaines de stage, mais nos profs ne peuvent pas venir sur place donc la façon dont on est évalué est assez particulière parce qu'on a tous réussi nos stages sans vraiment avoir été observé. Ce qui est vraiment difficile à gérer, c'est les cours à distance.C'est un vrai problème, je n'arrive pas à m'y tenir et c'est compliqué pour poser des questions, parce que je ne suis pas très bavarde de base donc poser des questions à distance, j'aime pas du tout. Tous mes cours se font sur teams. Pour tout ce qui est "syllabus" et tout ça, on a très peu en papier alors que d'habitude, on a tout en papier et on doit aller à l'imprimerie de l'école pour tout imprimer, mais cette année, on a beaucoup de profs plus âgés qui ne savent pas comment on fait pour envoyer les cours donc on doit un peu se débrouiller et parfois, on n'a même pas de syllabus. Il y a des profs qui mettent des vidéos, qui essayent de mettre des power points quand ils peuvent. Ce qui est aussi dur, c'est qu'on a beaucoup de profs qui nous donnent cours asynchrone donc on a juste les vidéos où ils parlent et on gère notre temps comme on veut. C'est dur de gérer ça parce qu'on se dit "on ne doit pas se connecter du coup on a le temps" et au final, on laisse passer le temps et on accumule du retard. Je suis arrivée en première dans une classe où je ne connaissais personne et comme j'avais déjà réussi mon premier quadrimestre donc je n'avais pas cours.Je n'ai pas eu l'occasion d'apprendre à connaître les gens de ma classe. En deuxième, on est rentré, on n'a même pas eu un mois de cours qu'on s'est de suite retrouvé à distance. On avait plus aucun cours en présentiel donc je ne suis pas intégrée dans ma classe. Je voulais faire de nouvelles connaissances, sortir avec eux, voir du monde. C'est pas du tout comme ça que j'imaginais ma vie étudiante à être toute seule chez moi."

Marie (20 ans, étudiante en première en Psychologie à l'université de Liège) : "Le covid a affecté mon parcours scolaire parce qu'on ne va plus à l'école et ça me pose problème dans la compréhension des cours parce que je suis une personne qui a besoin d'être en présentiel. En présentiel on est mis directement devant une personne qui instruit un métier, alors qu'à distance, on ne fait qu'écrire ce que le prof dit sans chercher à aller voir plus loin. La plupart du temps, on ne voit même pas le prof dans les cours qui sont en podcast ou en live, on voit simplement le power-point, c'est juste de la lecture et de la compréhension et je ne trouve pas ça du tout attrayant. On est juste assis devant notre ordi à regarder les secondes s'écouler et à attendre que le podcast soit terminé alors qu'en présentiel, on est beaucoup plus stimulé, parce qu'on a des gens autour de nous, on a une figure d'enseignement devant nous, et aussi parce qu'on est dans un environnement qui est fait pour travailler et apprendre, tandis que chez nous on a plein d'éléments perturbateurs autour de nous. Mon parcours scolaire a aussi été affecté au niveau de la motivation, car il y a une perte de motivation et de certitude dans le choix d'orientation. On se pose des questions et vu qu'on n'apprend pas les choses de la même manière qu'en présentiel, on se dit que si c'est pour apprendre un métier de cette façon-là, on peut aussi apprendre n'importe quel autre métier. Donc on se remet en question sur son choix d'étude. J'ai aussi du mal à gérer les plannings de cours. À l'unif, les profs ne sont pas toujours réguliers par rapport à leur horaire de cours et il y a différentes formes de cours (podcast, live, livres, devoirs, recherches à faire nous-mêmes, power-point commenté). C'est dur de tout gérer à la fois, ce que chaque prof demande ou attend de nous, et parfois ça engendre des retards. Suivre un podcast de 2h n'équivaut pas à la même chose que de suivre un cours de 2h en live parce que lorsque tu suis un podcast, tu remets souvent en arrière pour être sûr de tout noter, on met sur pause le temps de prendre note, on peut s'arrêter et reprendre plus tard et ça demande plus de temps. Un podcast de 2h peut prendre 4h à suivre tout en prenant des notes."
On peut le dire, les étudiants sont actuellement privés de leur jeunesse Être étudiant ne consiste pas seulement à suivre des cours derrière un écran dans le but d’apprendre un métier, c’est aussi créer des interactions avec les autres, de faire des rencontres, de poser des questions, de changer de local ou encore, de râler parce qu’on apprend que le professeur qu’on a en première heure est absent et qu’on s’est déplacé pour rien ! Ces trois jeunes filles nous racontent aussi comment elles vivent personnellement le fait de suivre tous leurs cours à distance et ce qu'elles font pour rester motivée et ne pas lâcher.
Anaïs : "Je pense que, comme tous les étudiants, j'ai développé énormément d'anxiété durant cette année. Ça a été très difficile de jongler entre les cours qui sont en live, les cours qui sont asynchrones, gérer les problèmes de connexion, gérer les examens, gérer les dissertations à rendre. En même temps, il faut garder un rythme de vie, ne pas se laisser complètement abattre en restant au lit tous les jours. Le fait d'être cloîtré à la maison, 24 heures sur 24, n'aide pas nécessairement. C'était les petites sorties d'avant qui permettait de donner un peu de motivation. Quand on rentrait à la maison on, était plus amène de travailler parce qu'on avait passé la journée à faire autre chose, mais c'est vrai que là, on a un peu l'impression que nos journées elles se résument à travailler et à dormir donc c'est un peu déprimant. Les professeurs ne sont pas du tout indulgents compte tenu de la situation, ils ont tendance à fixer leurs règles et il faut s'appliquer donc c'est très difficile parce qu'on a l'impression qu'on n'est pas entendu, et qu'on n'est pas écouté."
Mathilde : "J'ai toujours été stressée de base mais là le stress est un peu plus fort. Juste pour les examens que je suis beaucoup moins stressée parce que tout se fait à distance donc c'est beaucoup des travaux plus que de l'étude, donc c'est un peu moins stressant mais on a quand même beaucoup de boulot, beaucoup de gros travaux à rendre même en dehors des examens donc c'est un peu compliqué aussi à gérer. On a reçu des mails de l'école pour nous dire qu'il y avait des aides mais c'est vrai que je ne vois pas trop l'utilité parce qu'on a juste des mails mais on a pas vraiment d'autres réunions, en visio, etc. On nous envoie juste des mails pour nous dire "si vous avez besoin de parler, il y a des gens". C'est plus vers mes parents que je vais me tourner. Nos profs nous écoute quand même quand on a besoin de parler mais à part nous écouter, ils ne peuvent rien faire."
Marie : ""Ce qui me motive à continuer, c'est la pression de savoir que je suis en retard et que j'ai des cours à rattraper et que, même si on est à distance, on n'est pas tout seul. On discute quand même avec les autres étudiants de notre faculté et quand on apprend qu'ils sont tous à jour dans les cours, ça nous met une pression de savoir que ce n'est pas le cas pour nous et ça nous motive à rattraper ce retard. Ce qui me motive aussi, c'est que j'aime ce que j'apprends, j'ai envie de savoir de quoi parlent les cours, et au final ça me pousse à continuer et à ne pas abandonner. J'ai aussi la peur de redoubler parce que j'ai peur d'être "mal vue" auprès de mes proches et des gens de ma classe. Je n'ai pas envie d'être la seule qui rate et d'être catégorisé de la personne qui ne travaille pas. Je préfère rater mon année en ayant essayé et en étant catégorisé de "bosseuse", que de doubler parce que je ne travaille pas."
Les années d’études ne doivent pas être un supplice, mais les meilleurs moments de la vie d’étudiant Cette crise affecte tout le monde, mais ne négligeons pas les jeunes en pensant qu’ils vivent mieux la crise que telle ou telle personne parce que ce n’est pas le cas. Grand nombre d’entre eux se sentent perdus, seuls et démotivés