Être jeune et entrepreneur, qu'est-ce que c'est ?
Dernière mise à jour : 12 avr. 2021
Maria Kirzoglou, 26 ans, est une jeune entrepreneuse liégeoise. Après de nombreux entretiens et une longue réflexion, elle a lancé son commerce qui n'est autre qu'une épicerie grecque "Kelari" en avril 2019. Pour elle, c'était une évidence de devenir indépendante, car elle baigne dans le milieu de l'entreprenariat, de par ses grands-parents et sa maman, depuis toujours. Par la suite et grâce aux congés qui lui ont été imposés à cause de la crise sanitaire, Maria s'est décidée à créer son agence de communication "Mkom" afin d'aider les petites, et grandes, entreprises dans leurs discours.

Très créative et pas du tout mathématicienne, Maria a eu beaucoup de mal à trouver sa voie au début. Elle a commencé des études en sciences de gestion à l'HEC, à Liège, mais ça ne collait pas avec sa personnalité et sa façon d'étudier. Elle s'est donc ré orienté dans le marketing à l'HELMO. Après deux années d'études, elle s'est rendu compte que le côté relationnel et humain manquait beaucoup à ces études, car s'il y a bien une chose qu'elle adore, c'est le contact avec les gens. Elle s'est donc immédiatement ré orienté dans les études de Relations Publiques à la HEL et a été diplômée en septembre 2018. Suite à cela, les entretiens d'embauche ont débuté et ça a été un "choc culturel", car elle ne se rendait pas compte des capacités qu'elle avait et qu'elle n'était pas prête à passer ses entretiens. C'est en demandant conseil à sa maman que celle-ci lui a conseillé de lancer son épicerie grecque qu'elle rêvait depuis toujours et c'est ce que Maria a fait. Comme elle avait de nombreux contacts de par le restaurant de sa maman, et qu'elle avait la gestion et les connaissances pour, elle s'est lancée en tant qu'indépendante.
"J'ai commencé à bien me sentir dans ma peau, à me dire que c'est vraiment le métier qui me convient le mieux, c'est d'avoir mon propre job"
Qu'est-ce qui vous rend heureuse et vous passionne dans votre projet ? Comment avez-vous sauté le pas ?
"La reconnaissance des clients. C'est une reconnaissance et un regard que les gens ont sur toi qui t'apportes des frissons, car tu es dans le partage. Je pense que dans l'entreprenariat et dans un métier de passion, c'est ta clientèle qui te fait tenir le coup. J'ai beaucoup de chance d'être super bien entourée. J'ai dû changer mes horaires, fermer certains jours, parfois, je devais fermer le magasin plus tôt et j'ai eu une clientèle qui m'a suivie. Ensuite, l'indépendance et la liberté de créativité. Parce que même en stage, je m'en suis rendu compte que c'était un truc où tu devais toujours demander l'avis de quelqu'un, tu as des idées que tu ne peux pas développer, tu en as toujours un qui par ego ne va pas accepter ton idée, etc. La relation client, c'est ce qui me rend heureuse parce que c'est là que je me rends compte de ce que je fais tous les jours et ensuite, la liberté de créativité, la liberté de décision, le fait de pouvoir t'entourer de qui tu as envie. Parce que quand tu as ta propre entreprise, tu attires les personnes en fonction de qui tu es et donc c'est donner pour recevoir sans attendre de recevoir. Tu fais ce projet-là aussi pour les gens, ça a une notion aussi sociale. On a un impact social et on a envie de changer le monde à notre échelle. L'épicerie, c'était pour aider les petits producteurs à développer le terroir à petite échelle, mais à grande qualité. Je ne me vois pas attendre que mon boss me dise quoi faire, j'ai vraiment envie de partager ma personnalité, et même dans ma communication, c'est toujours autour de l'émotion, car je suis quelqu'un de très sensible. Le métier d'indépendant me permet d'être moi-même et c'est très important parce que l'un des déclics à avoir, c'est d'être soi-même et d'être enfin conscient de ce dont on est capable de faire, d'avoir un impact auprès des clients, de les voir sourire, de les voir heureux, d'améliorer leur quotidien, et d'avoir un impact au sein de la société."
Quelle a été la plus grosse difficulté à surmonter durant la crise du COVID ?
"La plus grande difficulté, c'est l'aspect financier, c'est clair. Et puis moralement, quand tu es un commerce qui est obligatoire d'être ouvert alors que tu ne travailles pas, pour moi ça a été l'une des choses les plus compliquées parce que je voyais toutes mes connaissances indépendantes qui avaient leur droit de passerelle en étant chez eux, alors qu'au final, quand on fait le prorata, c'est mieux de rester chez soi à ne rien faire et d'être payé que de travailler comme moi, 70 heures semaines, et ouvrir pour rien. J'ai eu de très bon mois, j'ai eu deux – trois mois où j'ai vraiment cartonné, notamment en avril-mai pendant le premier confinement. Ensuite, pendant les vacances et la rentrée, ça a été complètement dégringolant. Mais ce que j'en ai retiré, c'est de se dire que des périodes comme ça, il faut les utiliser à bon escient. Il ne faut jamais avoir peur de demander des infos, de profiter de faire des liens – même en ligne, un petit message, faire des contacts, aller sur LinkedIn, voir un peu les news parce que les fake news, ça, il faut bannir. Ce qu'on apprend c'est de toujours faire des réserves parce que moi je n'ai pas su en faire et j'ai vécu au fur et à mesure tous les mois. C'est quelque chose qu'il faut se dire maintenant, mettre 100€ ou 200€ tous les mois sur un compte en banque où tu n'y touches pas, et comme ça, si même il t'arrive une bêtise, tu as de l'argent de côté pour pouvoir payer tout le monde.

Après, moralement c'est clair qu'il faut tenir le coup et continuer à être motivé parce que les gens sont avec des masques, ils ne te sourient plus, ils sont vite à cran et toi tu es là et tu dois sourire et puis quand tu n'as pas d'argent, tu ne commandes pas de produit donc tu es frustré parce que tu n'as pas de nouveauté. Moi j'ai été beaucoup frustrée car comme je n'avais pas assez d'argent, je ne pouvais pas recommander certains produits donc j'ai vécu sur mon stock. De plus, j'avais un propriétaire qui n'a pas voulu diminuer le prix du loyer et qui a voulu me laisser aller jusqu'à la fin de préavis. Je lui ai dit que concrètement ça n'allait pas être possible et demandé de me laisser trois mois où je ne payais que le loyer privé - parce que j'avais loué aussi l'appart. Et c'est là que je me suis rendu compte que l'argent règne notre société, qu'il ne s'agit que de ça et qu'il faut donc s'entourer de manière sérieuse car quand on travaille avec des personnes qu'on ne connaît pas et qu'on est face à un litige comme celui-là, c'est très délicat.
J'ai eu neuf mois intense, je ne dirais pas que c'était une période noir de ma vie parce que j'ai eu plein de changements, j'ai eu une grande réflexion. Je pense qu'on oublie aussi de lire des choses, de s'informer, d'essayer d'ouvrir son esprit, de faire des choses qu'on ne faisait pas avant, de prendre du temps pour soi. Il faut trouver un équilibre et je pense que la période du coronavirus nous fait penser justement à l'équilibre globale. Parce que le financier impact sur ta vie, ta vie impact sur le financier, sur la qualité de vie que tu as aussi. Ça a été 9 mois intense mais pour moi mais c'est aussi grâce à ça que je suis là aujourd'hui."
À quoi ressemble une journée dans les baskets d'une entrepreneuse ?
"Je me lève, j'essaye de faire un bon petit-déjeuner et je lis un petit livre le matin sur le développement personnel, ensuite je fais un topo de tout ce que je dois faire pendant la journée. Du lundi au mercredi c'est plus pour moi, je me consacre à la communication et du jeudi au samedi c'est aller à 11h au restaurant pour gérer ce qui est épicerie et les commandes du restaurant de ma maman. On termine la journée vers 18h/18h30, ensuite je rentre et je regarde ce qu'il me reste à faire et puis je me fais un bon petit repas le soir avec un verre de vin. Je me mets en tenue décontract de suite, c'est mon rituel. Quand on pouvait, je me préparais pour aller boire un verre, parce que pour moi c'est vital de voir mes copines. Mon groupe de copines c'est vraiment ma bouffée d'énergie. Le soir j'aime bien encore un peu lire, regarder la télé. Quand je commence à travailler le matin, c'est jusqu'au soir, je suis à fond. Je fais toujours une to-do liste le matin pour avoir les idées claires et ne rien oublier. Moi je mélange un peu tout sur ma to-do liste, c'est pro / privé, c'est Maria quoi"
Si votre sœur ou votre frère souhaitait lancer son entreprise demain, que lui diriez-vous ? Qu'est-ce que vous lui conseillerez ?
"Je t'aime et je te suivrais jusqu'à la fin quoi qu'il arrive. "Fonce", ça je continuerai à la dire, fonce et crois en toi parce que c'est en croyant en toi que les autres croiront en toi aussi. Et organises-toi, n'ai pas peur de créer. Prévois une réserve dans ta comptabilité parce que le financier c'est inévitable. Écris tes idées, garde les bien et n'ai pas peur de les développer. Sois heureux dans ton travail parce que la vie est trop courte pour être un "chien" toute ta vie au travail parce que le métier d'indépendant ça peut être vraiment une source d'épanouissement personnel aussi. Parce que c'est ça au final le métier d'indépendant, c'est d'être en contact avec les gens et pour moi, vivre sans contact ce n'est pas possible, on n' est pas heureux si on n'est pas en contact avec les gens et le métier d'indépendant peut t'apporter cette facette-là, rencontrer des gens que tu ne connais pas, avec qui tu échanges, qui te félicite, qui sont bienveillants et gratifiants. Mais surtout, fonce et aime ce que tu fais parce que tes clients aimeront ce que tu fais aussi et crois en toi, ne lâche rien et malgré les épreuves, poses-toi les bonnes questions et entoures-toi des bonnes personnes et n'ai pas peur d'aussi exprimer tes émotions. Communique sur la transparence, même avec tes clients sois honnête, car ça voudra dire que tu es honnête avec toi aussi"